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28/01/2018

L’Évangile en 3D - Épisode 1

Un nouveau-né nommé... Marie

Emmerich et Neumann.jpg

Pour ceux qui auraient raté la bande-annonce, il est encore temps de rattraper votre retard ici.

Anne-Catherine Emmerich1 :

22 - 23 septembre (1820 ?) :

« J'ai vu aujourd'hui une grande fête dans la maison de sainte Anne. Tout avait été déplacé et rangé à part dans la partie antérieure de la maison. Les cloisons en clayonnage, qui formaient des chambres séparées, avaient été enlevées, et on avait ainsi disposé une grande table. Tout autour de cette salle, je vis une longue table basse, couverte de vaisselle pour le repas.

Thérèse Neumann2 :

12 septembre 1928 :

« [...]

Au milieu de la salle, on avait dressé une espèce de table d'autel recouverte d'une étoffe rouge et blanche, sur laquelle était un petit berceau rouge et blanc, avec une couverture bleu de ciel. Près de l'autel était un pupitre recouvert, sur lequel étaient des rouleaux en parchemin contenant des prières. Devant l'autel se tenaient cinq prêtres de Nazareth en habits de cérémonie ; Joachim était près d'eux. Dans le fond, autour de l'autel, se tenaient plusieurs femmes et plusieurs hommes, des parents de Joachim, tous avec des habits de fête. Je me souviens de la sœur d'Anne, Maraha de Séphoris, et de sa fille aînée. Sainte Anne avait quitté sa couche, mais elle resta dans sa chambre, placée derrière le foyer, et ne parut pas à la cérémonie.

Au centre de la chambre se trouve une table avec une nappe. Elle est blanche, comme brodée, et rehaussée de rouge.

Enoué, la sœur d'Elisabeth, apporta la petite Marie et la plaça sur les bras de Joachim. Les prêtres se placèrent devant l'autel près des rouleaux, et récitèrent des prières à haute voix.

 

Joachim donna l'enfant au principal d'entre eux, qui l'éleva en l'air en priant, comme pour l'offrir à Dieu, et la plaça dans son berceau sur l'autel. Il prit ensuite des espèces de ciseaux d'une forme particulière avec lesquels il coupa à l'enfant trois petites touffes de cheveux sur les deux côtés de la tête et sur le front, puis les brûla sur un brasier. Il prit ensuite une boîte où était de l'huile, et oignit les cinq sens de l'enfant avec le pouce. Il fit cette onction sur les oreilles, les yeux, le nez, la bouche et le creux de l'estomac. Il avait aussi le nom de Marie sur un parchemin qu'il plaça sur la poitrine de l'enfant. On chanta ensuite des psaumes, puis vint le repas, que je ne vis pas. »

[...] Le père tend l'enfant au prêtre. Celui-ci coupe avec une pince en forme de tondeuse des cheveux en trois endroits de la tête. Ils constituent ensemble un petit faisceau et restent suspendus à la pince. Puis il le rend à son père. Celui-ci le couche dans la corbeille qui se trouve sur la table.

Cependant, le prêtre ouvre la pince au-dessus du brasero et brûle les cheveux de l'enfant. Sur ce, un serviteur tend au prêtre un récipient de baume odorant. Celui-ci tapote avec le baume les paupières, les lobes de l'oreille, les ailes du nez, la bouche et la poitrine de l'enfant. En même temps, il récite en chantant une prière tandis que le serviteur et les personnes présentes se taisent. Puis le père de l'enfant dit quelques mots au prêtre, parmi ceux-ci aussi marjam. Le prêtre prend alors l'enfant dans la corbeille, l'élève en hauteur, dit en priant quelques mots, parmi eux aussi mirjam.

[...] Pendant tout ce temps, Anna, la mère, se tient derrière la porte et regarde à travers un rideau de porte ce qui se passe. »

NOTES :

1 EMMERICH, Anne-Catherine, Vie de la Sainte Vierge, d'après les visions d'Anne-Catherine Emmerich, 8e édition, rédigé par Clément Brentano, traduit de l'allemand par E. de Cazalès, Paris, Ambroise Bray, 1869, chapitre XXIII, p. 97-98. On peut lire ce passage en ligne ici.

2 SCHWARTZ, Günther, Nouveau Testament par les visions de Thérèse Neumann, traduit de l'allemand par Marc Géraud, Paris, Le Jardin des Livres, 2017, p. 102-103.

21/01/2018

L’Évangile en 3D-Introduction, trailer, making-of et bonus !

Emmerich et Neumann.jpg

   Introduction

   Savez-vous comment on obtient des films en relief ? Pour tourner la même scène, on pose deux caméras dans une position voisine l'une de l'autre, puis l'on superpose au montage les deux images ainsi obtenues. Le spectateur n'a alors plus qu'à chausser des lunettes prévues à cet effet pour visionner le résultat en trois dimensions.

   Trailer

   C'est à une expérience analogue que vous invite la série d'articles qui commence ici. Vous y verrez un film qui n'est pas des moindres : celui de la vie, de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu'il s'est déroulé il y a deux mille ans. Vous y découvrirez des épisodes jusqu'alors inconnus ainsi que des détails inédits. Le tout avec une précision graphique ahurissante. Comme si vous y étiez.

   Making-of

  Cette « bande-annonce » effectuée, passons maintenant au making-of. C'est pour vous le moment de faire connaissance avec les deux « caméras » qui ont contribué à la réalisation de ce film en relief. L'une s'appelle Anne-Catherine Emmerich (1774-1824), l'autre Thérèse Neumann (1898-1962). Toutes deux ont vécu en Allemagne à un siècle d'intervalle. Toutes deux ont reçu la terrible grâce des stigmates. Toutes deux ont vécu des années durant sans prendre d'autre aliment que la sainte Eucharistie. Et toutes deux ont bénéficié de visions sur les événements relatés dans les Évangiles. L’Église a déclaré Anne-Catherine Emmerich bienheureuse, et Thérèse Neumann, dont le procès de béatification est encore en cours, servante de Dieu.

   Les motifs de crédibilité de leurs visions sont nombreux. Tout d'abord le motif médical. L'inédie et les stigmates des deux mystiques ont fait l'objet d'un contrôle rigoureux de la part de médecins. Les autorités ecclésiastiques ont mis Anne-Catherine Emmerich sous surveillance étroite et constante du 10 au 19 juin 1813. Au terme de cette période, les citoyens de Dülmen qui l'ont surveillée (sous la direction d'un médecin) ont attesté sous serment qu'elle n'avait rien mangé pendant dix jours et qu'elle ne provoquait pas elle-même ses saignements 1. Quant à Thérèse Neumann, des médecins et infirmiers l'ont fait examiner 24h sur 24 du 14 au 28 juillet 1927. Leur rapport certifie qu'elle n'a rien mangé durant cette période. 2 Nous ne nous trouvons donc pas en face de simulatrices.

  Mais il existe aussi des motifs de crédibilité portant sur le contenu même des visions. Les descriptions topographiques issues de celles d'Anne-Catherine Emmerich ont permis une découverte archéologique majeure : celle, en 1891, de la maison où la sainte Vierge a demeuré à la fin de sa vie, non loin d’Éphèse. Deux papes s'y sont depuis rendus en pèlerinage : Paul VI en 1967, puis Jean-Paul II en 1979 3. La Bienheureuse Emmerich n'a pourtant jamais voyagé hors de son Allemagne natale… Il en va de même pour Thérèse Neumann, très vite clouée au lit par ses infirmités. Cela ne l'empêche pas de rapporter à ses auditeurs des mots entendus au cours de ses visions, des mots incompréhensibles pour son entourage… jusqu'à ce que des spécialistes déclarent qu'il s'agit de termes appartenant à la langue araméenne ! 4

   Les articles à venir s'organiseront de la manière suivante : pour chaque épisode relaté, le lecteur trouvera à gauche le texte issu des visions d'Anne-Catherine Emmerich 5 et à droite celui des visions de Thérèse Neumann, tel que rapporté par le livre de Günther Schwartz 6. Cependant, pour des raisons évidentes de droits d'auteur, les citations extraites de cet ouvrage devront rester parcimonieuses. Nous ne pouvons qu'encourager le lecteur qui souhaiterait en savoir plus à s'en procurer un exemplaire, disponible dans toutes les bonnes librairies !

  Ami lecteur, ami spectateur, préparez-vous à un spectacle 3D exceptionnel, sans précédent. Chaussez vos lunettes, celles de l'adhésion, celles de la dévotion, ou même celles de la simple curiosité dubitative. Pour commencer, pourquoi pas ?

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   Bonus. Et Maria Valtorta ?

   Il s'avère un peu déconcertant, lorsque l'on parle des visions d'Anne-Catherine Emmerich dans certains milieux catholiques, d'entendre des gens mentionner avec enthousiasme celles de Maria Valtorta. Comme si l'on pouvait mettre les deux œuvres sur un pied d'égalité !

   Rappelons pourtant quelques faits.

   Si les livres consacrés aux révélations d'Anne-Catherine Emmerich ont toujours obtenu l'imprimatur des évêques 7, L’Évangile tel qu'il m'a été révélé a fait l'objet d'une mise à l'Index en 1959 8. Jean-Paul II a mentionné les visions d'Anne-Catherine Emmerich au cours de l'homélie de sa béatification 9. À l'inverse, le 31 janvier 1985, le futur Benoît XVI, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, rappelle que malgré son abolition, l'Index conserve « toute sa valeur morale » ; il évoque également « les dommages » que peut causer à ses lecteurs l’œuvre de Maria Valtorta 10. Dans le même esprit, la Conférence Épiscopale Italienne écrit le 6 mai 1992 une lettre à l'éditeur des œuvres, auquel elle demande « de déclarer clairement dès les premières pages que les “visions” et les “dictées” reproduites ne peuvent pas être retenues d’origine surnaturelle, mais elles doivent être considérées comme de simples formes littéraires que l’auteur a utilisé pour raconter, à sa façon, la vie de Jésus. » 11 Quant à Thérèse Neumann, c'est Mgr Gerhard Ludwig Müller, futur préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et alors évêque de Ratisbonne, qui a ouvert son procès de béatification en 2005.

   Ces éléments invitent donc fortement à écarter Maria Valtorta comme source fiable, et à ne pas la considérer comme un équivalent légitime de Thérèse Neumann et d'Anne-Catherine Emmerich.

   NOTES :

1 WEGENER, Thomas, Vie Merveilleuse, intérieure et extérieure de la servante de Dieu Sœur Anne-Catherine Emmerich, livre deuxième, Tournai, Casterman, 1896, Chapitre I, « L'enquête ecclésiastique - Première partie du chemin de croix », p. 129. Le Père Thomas Wegener est le postulateur de la cause pour la béatification d'Anne-Catherine Emmerich. On trouvera une version numérique de son livre ici.

2 Cf. SCHWARTZ, Günther, Nouveau Testament par les visions de Thérèse Neumann, traduit de l'allemand par Marc Géraud, Paris, Le Jardin des Livres, 2017, p. 13-14.

3 Cf. BOUFFLET, Joachim, Anne-Catherine Emmerich, celle qui partagea la Passion de Jésus, Paris, Presses de la Renaissance, 2004, p. 298-301. On trouvera ici plus de documents sur cette découverte archéologique.

4 Cf. SCHWARTZ, Günther, op. cit. Ce livre consacre de très larges passages à la transcription de ces mots araméens.

5 On peut en trouver l'intégralité ici.

6 SCHWARTZ, Günther, Nouveau Testament par les visions de Thérèse Neumann, traduit de l'allemand par Marc Géraud, Paris, Le Jardin des Livres, 2017, 288 p.

7 Voir par exemple cette édition de 1860.

8 Cf. Actes Officiels du Saint-Siège, volume 52 de 1960, p. 60. On pourra consulter ce décret ici.

9 Voir ici, § 5.

10 Voir sa lettre ici, en italien et en allemand.

11 Voir la fameuse lettre ici, sur un site non suspect d'hostilité à l’œuvre de Maria Valtorta.

01/11/2017

Doctrine et pastorale, quelle articulation ?

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   Une question universellement partagée

   « Étant entendu que l’on ne doit pas attendre de ce synode des modifications de la doctrine, il convient de dire avec beaucoup de clarté que ce synode ne se réunit pas pour ne rien dire. Ce n’est pas un synode doctrinal, mais un synode pastoral. » Voilà en quels termes s'exprimait il y a maintenant deux ans Mgr Bruno Forte, à l'occasion du synode sur la famille, qui a eu le corollaire que l'on sait (Amoris Laetitia et sa très problématique note de bas de page 351). Comme le faisait remarquer Thibaud Collin à l'époque, cette déclaration invite à se pencher sur l'articulation entre doctrine et pastorale. Et ce philosophe de déplorer un an et demi plus tard (à propos d'Amoris Laetitia) que « la notion de discernement est utilisée pour contourner la doctrine des actes intrinsèquement mauvais rappelée dans Veritatis splendor. » Plus récemment, Mgr Fellay, l'un des signataires de la courageuse Correction Filiale, rappelait : « L’enseignement du Christ sur le mariage ne peut être subrepticement changé, au prétexte que les temps changent et que la pastorale doit s’y adapter, en donnant des moyens de contourner la doctrine. »

   À l'autre bout de l'échiquier catholique, on constate des préoccupations semblables sur les rapports qu'entretiennent doctrine et pastorale. Voici ce qu'affirmait en 2014 le Cardinal Kasper, toujours à propos de l'accès à la communion des divorcés-remariés : « Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation semblable à celle du dernier concile. Déjà à ce moment-là, il y avait, par exemple à propos de la question de l’œcuménisme ou de celle de la liberté de religion, des encycliques et des décisions du Saint-Office qui paraissaient exclure d’autres voies. Le concile, sans violer la tradition dogmatique contraignante, a ouvert des portes. On peut se demander s’il n’y a pas également, pour la question dont nous parlons, la possibilité d’un nouveau développement. » Ces propos avaient valu au cardinal les plus vifs applaudissements du pape François.

   Tout le monde semble donc admettre, soit pour s'en féliciter, soit pour le déplorer, qu'un écart est en train de se creuser entre doctrine et pastorale. Comment penser l'articulation de ces deux niveaux ?

   Le maître-mot : l'incarnation

   Nous savons que Dieu est la Vérité éternelle parce qu'il est le Verbe créateur (CEC 216). En effet, la vérité ne constitue rien d'autre que l'adéquation de l'intelligence et du réel, adaequatio intellectus et rei, comme le dit saint Thomas d'Aquin. Et précisément, c'est en Dieu que ce rapport d'adéquation se réalise dans toute sa plénitude : « Il parla, et ce qu'il dit exista ; il commanda, et ce qu'il dit survint » (Psaume 32, 9). Et quand cette vérité s'incarne, elle ne cesse pas pour autant d'être vérité, ainsi que Jésus-Christ nous le rappelle dans cette définition de lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jean 14, 6). En revanche, il existe bel et bien une nouveauté suscitée par l'incarnation : la vérité se fait pasteur. « Je suis le bon berger », nous dit Jésus (Jean 10, 14). Notez bien qu'à aucun endroit de l'Ancien Testament, le Verbe non encore incarné ne se désigne comme pasteur, sauf au futur, pour annoncer que Jésus sera le bon berger (voir par exemple Ezéchiel 34, 11-12). Il s'agit donc bien d'une caractéristique propre au Dieu fait homme. Et pourtant, il y a bien identité de personne entre le Verbe éternel et l'homme Jésus-Christ. Autre fait remarquable : Jésus ne se désigne pas comme « le berger », mais comme « le bon berger ». Sous-entendu : méfiez-vous, il y a aussi des mauvais pasteurs…

   De manière analogue, la vérité dogmatique, doctrinale, ne s'incarne pas ailleurs que dans la pastorale. La pastorale, c'est tout simplement la doctrine faite chair. Et de même que Jésus peut se dire le bon berger parce qu'il est la vérité incarnée, de même la bonne pastorale constitue forcément l'incarnation de la vérité dogmatique. Il faut donc en tirer la conclusion qui s'impose : il ne peut pas y avoir d'écart entre le niveau spéculatif et le niveau pratique, entre la bonne doctrine et la bonne pastorale. De même que le Christ n'est qu'une seule personne humaine et divine à la fois, de même la vérité catholique est une, quoiqu'à deux niveaux différents, le niveau doctrinal et le niveau pastoral. Et de même que vouloir crucifier Jésus, c'est vouloir crucifier Dieu lui-même, de même bidouiller la pastorale, c'est déjà bidouiller la doctrine. Car c'est déjà toucher à la vérité. Prétendre modifier la pastorale dans une de ses composantes essentielles (en l'occurrence, la sainte communion) tout en protestant ne pas vouloir modifier la doctrine n'est donc rien d'autre qu'un odieux mensonge. Contrairement à ce qu'affirme le Cardinal Kasper (applaudi, rappelons-le, par François), si vraiment le concile a pu ouvrir des portes, il n'a pas pu le faire sans violer la tradition dogmatique contraignante…

   Dans le paragraphe 84 de Familiaris Consortio, Jean-Paul II laisse ainsi clairement entendre que le non accès à la communion eucharistique des personnes divorcées et remariées constitue l'incarnation d'une doctrine bien précise, celle de l'indissolubilité du mariage : « l’Église, cependant, réaffirme sa discipline, fondée sur l’Écriture Sainte, selon laquelle elle ne peut admettre à la communion eucharistique les divorcés remariés. […] Si l'on admettait ces personnes à l'Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l'indissolubilité du mariage. » Par conséquent, vouloir accorder la sainte communion à des personnes en état objectif d'adultère, c'est déjà attaquer la doctrine de l'indissolubilité du mariage chrétien et trahir l'enseignement du Christ sur le mariage. C'est pourtant ce que vient de faire Mgr Barbarin. En l'occurrence, cette trahison apparaît d'autant plus grave que tout l'épiscopat français ne manquera pas de suivre cet exemple pernicieux. Pensez donc ! Si même le très médiatique Primat des Gaules s'y met…

   L'obéissance du Christ au Père

  Conscients de l'adéquation qui doit exister entre doctrine et pastorale, certains rêvent d'aligner une doctrine perçue comme désormais inappropriée sur les situations pastorales concrètes, comme on dit si bien aujourd’hui. Voici un petit florilège, extrait de ce document sur le synode pour la famille :

   La conférence épiscopale suisse, après consultation des fidèles : « On est scandalisé que la doctrine officielle ne soit en mesure ni d’entrer en matière sur des conclusions tirées du vécu des gens ni de faire ainsi face aux inconsistances de la théologie du mariage et de la famille. » (p. 9)

   Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran : L’Église « assimile à un adultère toute autre relation après le divorce. Pour moi, ces mots sont terribles. Une doctrine vraie ne peut pas entrer en contradiction avec la vérité de personnes. » (p. 25)

   Le théologien Andra Grillo : « Le cas des fidèles divorcés remariés est, de ce point de vue, un enjeu sérieux qui s’avère aussi être le symptôme d’une difficulté : à savoir le signe d’une incapacité structurelle du langage doctrinal traditionnel à exercer une médiation efficace par rapport aux conditions du sujet et de la communauté familiale qui ont changé au cours des deux derniers siècles. » (p. 43)

  Alain Thomasset, jésuite (par pour rien, comme vous allez le voir) : « L’interprétation de la doctrine des actes dit “intrinsèquement mauvais” me paraît être l’une des sources fondamentales des difficultés actuelles de la pastorale des familles, car elle détermine en grande partie la condamnation de la contraception artificielle, celle des actes sexuels des divorcés remariés et celle des couples homosexuels même stables. Elle apparaît à beaucoup comme incompréhensible et semble pastoralement contreproductive. Si elle insiste avec raison sur des repères objectifs nécessaires à la vie morale, elle néglige précisément la dimension biographique de l’existence, et les conditions spécifiques de chaque parcours personnel, éléments auxquels nos contemporains sont très sensibles et qui participent aux conditions actuelles de réception d’une doctrine ecclésiale. » (p. 45-46)

   L'auteur du document : « L’important aujourd’hui est d’ouvrir la perspective pastorale, de promouvoir une pratique sacramentelle plus accueillante. Intellectuellement, cela implique nécessairement un changement de doctrine. Mais les choses se font souvent lentement. » (p. 91)

   Le même : « La prise en compte de la réalité présente dans nos sociétés demande qu’on repense la signification théologique et pastorale du sacrement de mariage. » (p. 92)

   Toutes ces revendications ne tiennent guère compte du fait que la pastorale est l'incarnation de la doctrine, et non l'inverse. Il existe donc clairement une supériorité hiérarchique de la doctrine sur la pastorale. En effet, de même que le Verbe incarné obéit au Père dont il vient faire la volonté (Luc 22, 42 ; Jean 6, 38), de même c'est la pastorale qui doit s'aligner sur la doctrine pour qu'elle puisse en demeurer l'incarnation. Le reste n'est que baratin.