09/08/2015
La démission de Benoît XVI est-elle valide ?
Tout semble avoir été dit sur le sujet. Et pourtant, loin des rumeurs, des hypothèses ou des interprétations apocalyptiques de l'événement, il s'agit ici d'articuler quelques faits simples et vérifiables par tous. De cette articulation, surgira une question extrêmement embarrassante, mais qu'il faudra bien se poser. Et puisque le pape François apprécie tant ce qu'il appelle la parrhesia, nul doute qu'il apprécierait ce petit texte au plus haut point, s'il venait à le lire...
Si tout semble avoir été dit au sujet de la renonciation de Benoît, c'est surtout parce que ce dernier a lui-même tenu à couper court aux spéculations sur la validité de l'acte.
« Il n'y a pas le moindre doute quant à la validité de ma renonciation au ministère pétrinien. La seule condition à la validité de ma renonciation est la pleine liberté au moment de ma décision. Les spéculations sur sa validité sont tout simplement absurdes, » a-t-il ainsi déclaré en février 2014.
Ce que mentionne ici Benoît XVI, c'est l'une des deux conditions stipulées par le Code de droit canonique (canon 332, § 2) pour que la renonciation du pape à sa charge soit valide :
« S'il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu'elle soit dûment manifestée, mais non pas qu'elle soit acceptée par qui que ce soit. »
Il faut maintenant rappeler un fait passé largement inaperçu, mais qui est loin d'être anodin, un fait relayé surtout par Pierre Jovanovic. Ce fait est le suivant : au moment où Benoît XVI annonce sa démission, le 11 février 2013, les paiements électroniques et les retraits d'argent aux guichets automatiques sont suspendus au Vatican depuis le 1er janvier. Cette nouvelle a fait l'objet d'un certain nombre d'articles journalistiques dans la première moitié du mois de janvier 2013 :
http://www.lapresse.ca/voyage/destinations/europe/italie/...
http://www.dailymail.co.uk/news/article-2256954/Vatican-v...
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/01/14/il-est-...
À l'époque, les journaux mettent surtout l'accent sur la gêne occasionnée pour les touristes, obligés de payer leurs visites en espèces. Mais la situation est bien plus grave que cela : concernant les rentrées d'argent au Vatican, il n'est plus possible de payer électroniquement quoi que ce soit sans effectuer un virement international depuis l'Allemagne ; pour ce qui regarde les dépenses du Vatican, l'encaissement de chèques provenant de la banque vaticane n'est plus possible sur le territoire italien. Assez significativement, le dernier article mis en lien titre qu'il existe entre le Vatican et la banque d'Italie un véritable « bras de fer » ! Il ne faudrait pas croire que ce blocage des facilités de paiement par la Banque d'Italie demeure sans impact sur l'économie vaticane. Un blog de la Stampa révèle à la mi-janvier 2013 que le Vatican perd alors 30.000 € par jour ! Si à partir de ce chiffre, on calcule l'ensemble des pertes sur les quarante-trois jours de blocage, on obtient un total de 1.290.000 €... Selon une autre estimation, cette suspension des paiements électroniques coûte quotidiennement 40.000 $ à la cité vaticane, soit un total de 1.720.000 $. Le 1er février 2013, un article du site Inside the Vatican rapporte que le problème n'est toujours pas réglé...
Et puis tout à coup, la situation se débloque : les paiements électroniques sont à nouveau autorisés. Là encore, les journaux n'ont pas manqué de relater la nouvelle :
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/02/12/97001-201302...
http://www.lesobservateurs.ch/2013/02/14/les-paiements-pa...
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Au-Vatican-le-...
Mais l'événement est passé relativement inaperçu, pour une raison toute simple : l'autorisation de reprendre les transactions électroniques est survenue le 12 février 2013, soit le lendemain de l'annonce de la démission du pape ! Simple coïncidence ?
Ajoutons encore un fait, lui aussi indubitable. Le réseau SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) qui sert aux transactions électroniques, et dont le Vatican a été momentanément déconnecté, a une influence considérable sur la vie d'un état. À tel point que déconnecter un pays de ce système constitue une véritable arme de guerre économique, employée à l'occasion. En témoigne la résolution du Parlement Européen du 18 septembre 2014 sur la situation en Ukraine et l'état des relations UE-Russie. Cette dernière, en son numéro 13, « demande à l'Union européenne d'envisager l'exclusion de la Russie de la coopération nucléaire civile et du système Swift. » D'où les efforts qu'effectue actuellement la Russie pour prendre son indépendance par rapport au système SWIFT en créant son propre réseau de paiement électronique. Autre témoignage de cette utilisation de SWIFT à des fins politiques : en 2012, des officiers américains conseillent de sanctionner l'Iran en excluant ce pays du réseau.
Ce que l'on n'a pas osé réaliser contre l'Iran et la Russie a donc été mis à exécution contre le plus petit état du monde. Et c'est dans ce contexte précis, un contexte de tension inouïe, que Benoît XVI a renoncé au trône de saint Pierre. C'est un fait indiscutable, massif. Dès lors, peut-on réellement affirmer que c'est en toute liberté que le pape, soumis à de telles pressions, a démissionné de sa charge ? Il y a bien sûr les protestations de Benoît XVI lui-même, selon lesquelles il aurait librement renoncé à sa mission. Mais pouvait-il vraiment déclarer autre chose ?
Compte tenu des graves circonstances dans lesquelles elle s'est produite, la démission de Benoît XVI est-elle valide ? Il faut absolument mesurer la gravité de cette question qui, si l'on y répond négativement, génère des conséquences en cascades. Revenons à notre droit canonique : selon le § 1 du canon 332, « Le Pontife Romain obtient le pouvoir plénier et suprême dans l'Église par l'élection légitime acceptée par lui, conjointement à la consécration épiscopale. » Si la renonciation de Benoît XVI à sa charge est invalide, alors l'élection qui s'ensuit perd toute légitimité et ne peut donc être considérée comme valide. Et si cette élection est invalide, alors le cardinal Bergoglio n'est pas pape, et c'est l'ensemble de ses actes et de son enseignement en tant que prétendu successeur de Pierre qui doit faire l'objet d'une remise en question.
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